L’Institut national de recherche en sciences de la santé (IRSSA) tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport coécrit par Henriette Poaty, directrice scientifique de l’IRSSA, et le Dr Blondy Mboungou-Bouesse, pharmacologue, l’organisme met en lumière les graves conséquences sanitaires, sociales et économiques de la vente illicite de médicaments dans les rues congolaises.
Une menace sanitaire persistante
Selon le rapport, les produits vendus à la sauvette sont souvent de qualité douteuse. Certains peuvent provoquer des maladies iatrogènes, d’autres ne sont que de simples placebos ou des médicaments partiellement composés, favorisant la résistance aux traitements.
Les conditions de conservation sont souvent non conformes, les acheteurs ne lisent pas les notices, et les dosages sont prescrits par des non-professionnels. Le rapport cite le cas alarmant de l’association du Tramadol (un analgésique souvent détourné en drogue) avec l’Ibucap, un anti-inflammatoire, recommandée sans aucune base médicale.
Une profession illégale aux effets sociaux préoccupants
Au plan social, le rapport souligne que ces activités constituent un exercice illégal de la pharmacie. Les vendeurs à la sauvette usurpent le titre de « doc », dévalorisant la profession de pharmacien, et facilitent l’accès des jeunes à des substances addictives comme le Tramadol.
Par ailleurs, ces circuits seraient alimentés clandestinement par des laboratoires indiens via la République démocratique du Congo, soulignant un réseau transfrontalier illégal bien organisé.
Une complexité économique à prendre en compte
Sur le plan économique, la situation est délicate. Certains médicaments vendus illégalement proviendraient de laboratoires ou pharmacies locales, parfois via des délégués médicaux. La vente constitue souvent un moyen de survie pour des chefs de famille sans emploi, rendant toute interdiction brutale potentiellement problématique.
Une catégorie spécifique, les vendeurs de bokokos, commercialise des plantes médicinales traditionnelles. Si ces plantes ont un réel potentiel thérapeutique, elles sont souvent mal identifiées, mal conservées, et consommées sans encadrement.
Recommandations : encadrer plutôt qu’interdire systématiquement
En conclusion, l’IRSSA recommande :
- L’interdiction de la profession de manganguiste, pour des raisons de santé publique.
- La vente autorisée d’accessoires médicaux (compresses, gants, tensiomètres) uniquement.
- La mise en place d’un projet de réinsertion professionnelle avec bourses de formation, en partenariat avec l’État et les ONG.
- Une réglementation claire de la vente des bokokos, encourageant leur intégration dans une démarche scientifique (études pharmacologiques, expérimentation, amélioration des MTA – médicaments traditionnels améliorés).
Le rapport plaide pour une approche équilibrée, combinant protection de la santé publique, valorisation des ressources médicinales locales et prise en compte des réalités économiques de terrain.